PYRAMIDEN, SON HISTOIRE

Sur l'archipel du Svalbard, (Appelé également Spitzberg), terre norvégienne perdue loin dans l'océan Arctique à 78°39'22"N, 16°19'30"E, proche du Pôle Nord, il existe une ville russe abandonnée qui reflète les utopies communistes de l'après-guerre.

Cette ville « Fantôme » s'appelle Pyramiden, son nom lui vient d'une montagne qui la surplombe en forme de pyramide, et dont la pointe régulière est quasiment tout le temps dans les nuages. Surréelle, abandonnée presque exclusivement minéral, c'est un lieu vide, mais riche en charbon et qui, on le sait depuis peu, voisine les plus riches gisements futurs de pétrole et de gaz.

Elle fut fondée par des Suédois en 1910. En 1927, les Russes l'ont rachetée, pour à leur tour la revendre en 1932 avec les autres villes de Barentsburg, Grumantbyen et Colesbukta à la compagnie minière Arktikougol (Charbon Arctique). La communauté fonctionnait de manière totalement autonome et était gérée comme une vaste entreprise de près d’un millier d’employés.

Des Russes travaillaient déjà dans des mines au Svalbard en 1913, mais l'exploitation soutenue a commencé en 1920-1930. Pendant la seconde guerre mondiale, Pyramiden fut plus ou moins abandonnée et rasée pour ne pas en permettre l'utilisation par les Allemands. Son exploitation reprit en 1947. Pratiquement deux mille personnes y habitaient, dans des conditions de rêve pour la Russie stalinienne : crèche, hôpital, cinéma, piscine, salle de sport, cantine et réfectoire communautaire, salaires élevés, vacances sur les rives de la mer Noire, tout était donné à ces lointains mineurs, avant-poste du communisme face à l'Ouest, les logements sont beaux, le site conçu par des architectes humanistes, de l'herbe a même été importée de Russie.

Avec l'affaiblissement de l'Union soviétique la production chuta, et rapidement tout fut abandonné et laissé sur place. L'arrêt de l'exploitation minière définitive remonte au 31 mars 1998, la ville a donc été abandonnée et évacuée en quelques jours.

Depuis, elle reste figée : avec des livres sur les rayons de la bibliothèque, des bobines de films dans le cinéma, des jouets d'enfants dans la crèche, un ours, un renne et une mouette empaillés dans le musée polaire, la piscine vide de son eau, la salle de sport avec des ballons dégonflés, la cuisine et son réfectoire communautaire aux peintures écaillées et aux marmites prêtes à chauffer la nourriture. Dehors, la statue de Lénine la plus septentrionale, les quais industriels, le funiculaire entre la ville et la mine à flanc de montagne, les camions, les grues, les wagonnets de mine sont là aussi, comme en attente de la sirène qui pourrait un jour faire réapparaître tous les employés dans cette ville plongée dans un silence total, vidée de tous ses habitants et perdue au bout du monde.

Le Traité du Svalbard du 9 février 1920 a laissé la Norvège administrer l'endroit mais l'exploitation du charbon par chacun y est théoriquement toujours possible.
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